histoire, vigne

La vigne en foule

Depuis le Moyen Âge, dans des régions viticoles françaises – y compris en Champagne – , les vignes étaient cultivées de façon désordonnée (pieds de vigne non alignés contrairement à aujourd’hui) et à une densité élevée (environ 50 000 à 60 000 pieds par hectare). Ce phénomène était désigné sous le terme de « vigne en foule » et nous avons reproduit cette façon de cultiver en bordure de notre siège d’exploitation (voir photo ci-dessous) pour pouvoir montrer cette méthode de culture ancestrale et séculaire à nos clients.

En réalité, les vignes étaient plantées en rangs à forte densité dès l’installation initiale (avec un espacement de 1 mètre par 0,80 mètre), et c’est le provignage/ marcottage 1 pratiqués chaque année qui aboutissaient à cette densité de 50 000 à 60 000 ceps par hectare, donnant aux vignobles cet aspect irrégulier.

Cette méthode, héritée du Moyen Âge, fut progressivement abandonnée : partiellement à la fin du 19ᵉ siècle, puis totalement au cours du 20ᵉ siècle, lors de la replantation des vignobles consécutive à la crise du phylloxéra2 et à l’apparition du mildiou et de l’oïdium, situations pour lesquelles il était nécessaire d’accéder aisément aux vignes pour les soigner efficacement au cuivre et au soufre, mais aussi de faire pousser les pieds de vignes de la façon la plus aérée possible.

Par ailleurs, le lien entre la densité de plantation et les profils aromatiques des vins est très modulable, puisque la typicité d’un vin ne dépend pas uniquement du nombre de pieds par hectare.


  1. Le marcottage est une méthode de multiplication des végétaux par la rhizogenèse (développement de racines) sur une partie aérienne d’une plante mère.  ↩︎
  2. Maladie de la vigne provoquée par un puceron microscopique. Elle est provoquée par un parasite de la vigne d’origine américaine et fit des ravages dans de nombreux vignobles de France, notamment en Champagne . ↩︎
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Saint de Glace & viticulture

Les saints de glace sont une période climatologique située, selon les observations populaires européennes du Haut Moyen Âge, autour des dates des fêtes de saints catholiques : Saint Mamert, Saint Pancrace et Saint Servais, traditionnellement célébrées les 11, 12 et 13 mai de chaque année. À cette époque, les gens constatèrent que cette baisse des températures intervenait toujours à la même période, pouvant aller jusqu’au gel. Les gens très croyants à l’époque invoquaient alors les Saints pour protéger les cultures.

Les scientifiques ont évidemment une autre interprétation et considèrent, grâce à des observations astronomiques, que la Terre arrive, à cette période de l’année, dans un espace où les poussières stellaires seraient plus importantes et la poussière ferait très légèrement obstacle aux rayonnements solaires. La Terre traverserait à nouveau un nuage de poussière six mois plus tard, le 11 novembre, avec l’effet inverse. Une diffusion du rayonnement solaire sur la Terre en plus du rayonnement direct qui amènerait « l’été Indien » (début octobre ou novembre).

Dictons :

Le 11 mai : « Attention, le premier saint de glace, souvent tu en gardes la trace« ,

Le 12 mai : « Saint Pancrace souvent apporte la glace« ,

Le 13 mai : « Avant saint Servais point d’été, après saint Servais plus de gelée« 

Cette croyance nous est également utile à nous les vignerons : cette deuxième quinzaine de mai où se situent les dernières nuits froides de la fin d’hiver reste un repère pour nous rappeler quand la période de gel se termine. En effet, la vigne étant actuellement dans sa phase de croissance végétative, une gelée viendrait compromettre tout ou partie de la future récolte.

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Effets du gel sur la vigne, 2017.

Cette nuit il y a eu du vent donc pas de gelée, +2 ° dans notre vigne des « Tarons » qui est une vigne en basse altitude (plus de risques). Donc ça devrait aller cette année !

Bon saints de glace à tous, bon jardinage !

Littérature

Les très riches heures du Duc de Berry

berry-4b0562405fc4c-855-471L’ouvrage médiéval « Les Très Riches Heures du duc de Berry » est  un livre d’heures et un calendrier, commandé par le duc Jean Ier de Berry. Au sein du calendrier, au mois de mars, on y voit représentée la taille de mars.

Cette peinture représente une scène de travaux agricoles. Chaque champ contient une étape différente des travaux, tous séparés par des chemins se croisant au niveau d’un édicule appelé montjoie. Au second plan, des vignerons (ou closiers*) taillent et sarclent la vigne  en foule** avec houe et serpette dans un enclos à gauche et labourent le sol à l’aide d’une houe pour aérer le sol : ce sont les premières façons de cultiver la vigne.

©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda
©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda

En province, comme d’ailleurs en Bourgogne (sauf dans la région de Chablis) et dans le Jura, la vigne en foule présente avec ses ceps en désordre une apparence très particulière, déroutante pour qui est accoutumé aux vignobles dont les lignes sont tirées au cordeau. En réalité, pour établir la vigne en foule on plante en rangs réguliers espacés de 0,80 m à 1 m (selon la tradition, on arrose avec du champagne le dernier cep planté) mais ensuite on pratique deux opérations qui vont détruire petit à petit cette belle ordonnance, le provignage et l’assiselage. (Source : CIVC).

Cet ouvrage est commandé par le duc aux frères Paul, Jean et Herman de Limbourg vers 1410. Inachevé à la mort des trois peintres et de leur commanditaire en 1416, le manuscrit est probablement complété, par un peintre anonyme. Certains historiens de l’art y voient la main de Barthélemy d’Eyck. En 1486, il est achevé dans son état actuel par le peintre Jean Colombe pour le compte du duc de Savoie. Acquis par le duc d’Aumale en 1856, il est toujours conservé dans son château de Chantilly, dont il ne peut sortir, en raison des conditions du legs du duc.

*exploitants d’une closerie, petite exploitation rurale

** Vignoble planté sans ordre apparent et en grande densité (50000 à 60000 pieds par hectare en moyenne). Cette méthode ancestrale fut abandonnée au 20e siècle suite à la replantation du vignoble consécutive à la crise phylloxérique.